J'étais allongée sur mon lit depuis plus d'une heure à tenter de deviner des formes dans les défauts de peinture du plafond. Nous étions mardi après-midi, une demi-journée de répit dans ma semaine chargée en cours et en soirées. Le matin même, j'avais passé quatre heures dans un même amphithéâtre à étudier les oeuvres de Shakespeare pour mon programme de journalisme. J'avais par la suite déjeuné avec quelques unes de mes camarades, puis m'étais éclipsée afin de rejoindre le studio déserté par mes autres colocataires. J'avais eu hâte toute la matinée de me retrouver enfin seule dans ma chambre, et de pouvoir enfin décompresser et de ne plus me soucier de rien. Pour cela, j'avais échangé ma tenue fortement soignée contre un modeste t-shirt blanc, trop grand et complètement déformé, qui me servait de robe de nuit quand je n'attendais personne dans mon lit. Mes cheveux étaient détachés et quelque peu ébouriffés à la suite de ma sieste. Mon visage ne portait plus de maquillage et je semblais alors plus gamine qu'à l'habitude. Néanmoins, le reflet dans le miroir de ma chambre semblait plus que satisfaisant et j'en étais plutôt fière. Au moins, je ne réservais aucune mauvaise surprise au garçon au côté duquel je me réveillais !
C'est en chantonnant une chanson rock des années soixante que je décidai de me lever énergiquement, provoquant le son des ressorts du matelas. Un clin d'oeil à mon reflet, et je m'emparai d'une serviette de bain et que je jetai négligemment sur mon épaule avant de sortir de ma chambre. Pour continuer cette après-midi de détente, un bain devait obligatoirement faire partie du programme !
Je traversai le salon en diagonale, la serviette sur l'épaule et mon t-shirt dévoilant un sous-vêtement en dentelle noire à mesure que mes pas se succédaient. Le chantonnement s'était transformé en sifflement. Je fis une halte au niveau de la kitchinette et me servit un grand verre de jus d'orange que je posai sur le comptoir après en avoir bu une longue gorgée. Et ce que je vis en reposant mon verre provoqua plusieurs choses en un laps de temps très court. Si je me souviens bien de la situation, mes yeux s'étaient écarquillés à la vue de l'individu qui lisait un bouquin au beau milieu du salon, affalé dans l'un des canapé. Le message que transmit mes yeux à mon cerveau - en l'occurrence, l'identité de l'individu - provoqua un geste désinvolte du bras, renversant alors le verre qui se trouvait face à moi. Enfin, je ne pus retenir de ma bouche un cri strident qui aurait briser le verre, avec ou sans geste désinvolte du bras ! Puis, après quelques secondes pendant lesquelles je m'étais statufiée, j'eus enfin le réflex de tirer sur mon t-shirt pour couvrir ce qui ne devait pas être visible - mais qui avait déjà été vu - aux yeux de l'être que je m'efforçais de trouver le plus détestable du campus.
MICHELLE ✻ Léandre ? Mais bon sang, que fiches-tu ici ?!
A moitié cachée derrière l'espèce de bar américain, il était certain que je semblais fulminer. Pourtant, je le savais bien, une part de moi-même était satisfaite de voir le visage énigmatique du jeune homme. Reprenant peu à peu mon esprit, je tentai de me redresser pour paraître moins gênée et plus sûre de moi... Ce qui n'est guère chose facile quand nous sommes à moitié en sous-vêtement face à une personne avec qui on ne s'apprête pas à coucher. Enfin, le passé l'a déjà démontré, tout peut arriver...

Son regard d’un froid à glacer le sang me transperça. J’avoue que parfois elle pouvait faire peur. Elle me regardait comme si c’était ma faute si elle avait renversé son verre. Je n’en pouvais rien moi si elle avait été troublée par ma simple présence. Je l’ai regardée se baisser pour nettoyer le contenu de son verre avec un sourire satisfait aux lèvres. Une parfaite ménagère cette Michelle.

« Ecoute, tu peux lire, tu peux chanter et tu peux même danser si cela te fait plaisirs ! Tu es en droit de faire tout ce que tu veux... Tout, sauf me reluquer ! C'est compris ? »

Un court instant j’ai cru qu’elle allait me lancer au visage cette éponge qu’elle avait en main tout en m’insultant. Mais elle n’en a rien fait.

« C’est parfaitement compris … Tu sais que tu ferais une parfaite femme de ménage. »

Elle était passée devant moi et malgré mes paroles je n’avais pas pu m’empêcher de la regarder de haut en bas. Il fallait avouer qu’elle était plutôt pas mal Michelle, même vraiment bien. En fait elle était même belle et très désirable. Mais je savais que je ne devais pas penser ça d’une fille qui était sensée être une ennemie. Enfin une ennemie avec qui j’avais couché suite à une soirée trop alcoolisée. Et je savais que cette idée d’avoir couché avec moi la dégoutait, peut-être cela lui donnait même envie de vomir ? Et savoir cela m’apportait une certaine satisfaction.

« Tu perds ton temps avec moi, aujourd'hui. Tu ne m'énerveras pas d'avantage. Je ne te laisserais pas ruiner mon après-midi de détente... »
« je n’en suis pas si sûr... »

Je m’étais levé, m’approchant d’elle à grands pas avant de saisir son paquet de cigarettes pour m’en prendre une et retrouver ma place confortable. Des lights. C’était bien un truc de filles ça. J’avais tiré sur la cigarette après l’avoir allumée avec mon briquet. Pour ensuite me mettre à chanter une chanson que je ne pouvais supporter mais que je savais qu’elle appréciait : Beautiful, Dirty, Rich de Lady Gaga. Et qui ne savait pas combien je chantais faux. Pour ma part je trouvais horrible d’écouter une chanson qui me plaisait par quelqu’un qui chantait faux. Je ne supportais pas ça. Mais j’étais le seul à pouvoir supporter ma voix. Qu’est-ce que je n’aurais pas fait pour la rendre folle ?