Assis sur mon bureau, je fixai ma feuille, vierge depuis des heures. Les mots ne me venaient plus depuis maintenant quatre heures. Depuis que je savais qu'elle était partie à l'une de ses soirées de débauche et beaucoup trop dangereuses pour elle. D'un geste brutal, je m'emparai du papier, l'écrasai contre mes paumes afin d'en faire un tas et le jetai violemment contre le mur avant de rejoindre les autres boules de papiers. Après coup, je cherchai une autre feuille dans le tiroir le plus proche, en sortis une, la posai devant mes yeux. Il me fallait trouver l'inspiration nécessaire. Je jetai un furtif coup d'œil à ma montre : 02h30. Je fulminai, mes pensées s'éloignant une fois encore afin de retrouver le souvenir d'Harmony, chez moi, encore quelques heures auparavant. J'arquai un sourcil, soupirai. Il semblait que rien ne pouvait l'arrêter. Ces maudites drogues l'avaient comme plongée dans un tourbillon infernal et vraisemblablement, rien ni personne ne pouvait la sortir de ce trou béant qui l'engouffrait de plus en plus. Même pas moi.
Je me relevai, passant une main dans mes cheveux, et observai d'un œil critique les affaires éparpillées autour de moi, les feuilles de papiers brouillons et déchirées traînant sur le sol. Un sourire se dessina sur mes lèvres, quand, soudain, mon portable, posé sur mon bureau, se mit à vibrer de plus en plus fort, comme s'il jugeait urgent que je jette un coup d'oeil au message que je venais de recevoir le plus vite possible.
D'un geste lent, j'attrapai le téléphone, ouvris la bouche, puis la refermai. Le numéro d'Harmony s'affichait. J'appuyai sur-le-champ sur la touche "ouvrir", un message s'exposa.

Alarmé, je lui répondis immédiatement, enfilant derechef ma veste et laissant ma feuille aussi blanche qu'auparavant. Appuyant avec frénésie sur les touches de mon blackberry.

Une fois le message envoyé, j'enfonçai le blackberry dans l'une des poches de mon jean coupé droit et sortis. Le froid me lacéra le visage et j'enfonçai mes mains dans les poches de ma veste, m'éloignant peu à peu de ma chambre... (...)

J'arrivai alors devant le commissariat, cherchant ma protégée du regard. Mon regard s'arrêta sur une jeune femme, assise, recroquevillée, tremblant de froid. Ravalant ma salive, je voulus croire que ce n'était pas elle. Je refusai obstinément de la rejoindre, mais c'est lorsqu'elle me fit signe que j'accourus, l'observant, horrifié.
Elle était terriblement pâle. De longues cernes semblaient couler de ses yeux, qui eux, étaient étrangement rapetissés. Je soupirai, un horrible poids tombant lourdement dans mon estomac, et la relevai sans piper mot. Ressentant ses propres frissons, je retirai vivement ma veste afin d'entourer ses épaules de celle-ci. Je la fixai du regard, hochai la tête tel un père mécontent de sa propre fille et fronçai les sourcils, bras croisés.

- Puis-je savoir ce qu'il t'es arrivé ?

Elle semblait m'éviter. J'entourai ses épaules de l'un de mes bras et la frictionnai, comme pour essayer de la réchauffer, patientant impatiemment qu'elle m'explique sa mésaventure que je devinais déjà sous ses airs coupables.

La lumière des lampadaires ne faisaient qu'accentuer son apparence de défunte. J'essayai de ne pas la dévisager avec dégoût, j'eus beaucoup de mal. Effectivement, son apparence était quasi-répugnante, un physique tel ceux des drogués, purs et durs. Je soupirai, tentai de la maintenir debout tant elle gigotait dans tous les sens comme une damnée. Je la tins fermement, je la sentis divaguer, puis revenir peu à peu "sur terre."
Mais que lui prenait-il ? Pourquoi ? Telle était la question qui me brûlait les lèvres. Avait-elle une quelconque raison de prendre ces saloperies ? Je sentis mes joues me brûler. Je ne rougissais pas, non, mais la colère bouillait en moi comme un volcan en éruption. J'aurais voulu la secouer, lui octroyer une gifle en lui hurlant de se reprendre, de se réveiller. Mais je n'eus pas la force de le faire - de toute façon, j'étais incapable de lui faire du mal. J'étais incapable de faire du mal tout court, d'ailleurs. Bref, j'attendais une réponse de sa part, et il me semblait qu'elle ne percevait même pas - ou presque - ma présence à ses côtés. Je fulminai.


- Bon... Tu sais que je me suis rendue à cette soirée. Tout s'est bien passée jusqu'au moment où je me suis réveillée au commissariat menottée...

Je la couvris d'un regard noir. Je lui avais pourtant dit de ne p-a-s y aller. Mais c'était plus fort qu'elle, n'est-ce-pas ? Elle ne savait décidément pas rester sérieuse rien qu'une seconde. Elle ne savait plus le faire, du moins.

- Mh, ça, tu peux le dire. Tout a l'air de s'être très bien passé.

Je regrettai derechef mon ton ironique et presque méchant, mais, après tout, elle le méritait. Après quelques secondes passées à l'observer d'un regard froid, je remarquai qu'elle se tenait plus droite qu'auparavant. Elle me jeta un regard, plongeant le sien dans le mien d'un bleu profond.


- Ils croyaient que quelqu'un m'avait drogué et m'ont finalement laissé partir. Je n'ai pas tout compris, mais le plus important c'est que je sois sortie, non ?

J'ouvris la bouche, hébété, la refermai. M'éloignant du poste de police en jetant un regard furtif derrière moi, je lui répondis en baissant la voix, comme si j'étais apeuré que quelqu'un m'entende prononcer ces mots.

- Tu es sérieuse, Harmony ? Voyons, c'est impossible, ils te mentent. Tu devais certainement en avoir sur toi. Comment es-tu arrivé ici ? Qui t'as donc amenée ?

Les questions sortaient de ma bouche comme si je vomissais mes paroles. Je fus libéré de mes mots, et, me sentant soulagé, attendis ses réponses. Des réponses qu'elle ne trouverait pas, j'en était certain. Après quoi, elle me remercia d'être venu la chercher. Comme d'habitude, je ne pus résister à l'envie de l'enlacer. Après tout, elle était ma meilleure amie. Comme une petite sœur. Je la pris dans mes bras, sentant son corps frêle et fatigué contre le mien, tiède et vif. Je voulus ravaler ma salive, je n'y arrivai pas tant il me paraissait qu'un poids énorme bloquait ma respiration. J'étais sauvagement en colère, dépité. Il fallait à tout prix qu'elle arrête ce petit jeu... car cela la tuerait à petit feu.

- Rentrons, maintenant, veux-tu ?

Je rompis notre étreinte, capturant son visage des deux mains, observant ses traits. Il était mieux pour elle que personne ne la remarque dans cet état là. Les rumeurs passaient à toute allure comme des flèches, ici. J'étais loin de me douter que tout cela pouvait encore continuer après le lycée. Certes, je me l'étais avoué depuis maintenant quelques temps : Je faisais fausse route, trop égaré sur des routes déjà toute tracées.